Bacalar, la lagune aux 7 couleurs

En pépararant le voyage au Yucatan, j'ai lu pas mal de blogs, et, plusieurs fois, j'ai vu revenir le nom "Bacalar" comme un secret extraordinaire, "a hidden gem", une sorte d'Eden pas encore (trop) dégradé par le tourisme, à la géographie mystérieuse ("lagune", kezako ? 7 couleurs ? Oh my god...). J'ai fait le choix de passer 4 nuits à Bacalar, en me disant "au pire, on passe 4 jours à buller au bord de cette mystérieuse lagune, Iris apprendra à nager dans l'eau pure en observant les tortues et autres poissons multicolores, façon Maldives (spoiler alert : non)". Alors oui, Bacalar est un endroit merveilleux, mais je vais vous expliquer un peu plus en détails ce que vous y trouverez, et ce que vous n'y trouverez pas : vous y débarquerez mieux préparés que nous l'étions (de rien).

Tout d'abord, une lagune, c'est quoi ? Pour le dire en très gros, c'est une étendue d'eau séparée de la mer par un bras de terre (contrairement au lagon, qui est une étendue d'eau séparée de la mer par un récif de corail). La lagune de Bacalar est donc une longue, très longue étendue d'eau de 70 kms à peu près parallèle à la baie de Chetumal (capitale fédérale de l'état du Quintana Roo). C'est d'ailleurs le plus grand lac du Yucatan.

Sur la carte ci-dessus vous pouvez voir concrètement la situation de la lagune de Bacalar, dite "lagune aux 7 couleurs" car on y retrouve paraît-il 7 nuances de bleu différentes. Nous avons essayé de les compter et si 7 me semble un chiffre un peu péremptoire, il y a en effet différentes nuances de bleus, la plus icônique étant ce qu'ils appellent là-bas le "bleu Calypso", un bleu-vert presque fluorescent à se damner.

Le bleu Calypso dans toute sa splendeur

D'un point de vue écologique, cette lagune est un écosystème hyper fragile abritant des organismes fascinants : les stromatolithes. Cet écosystème d'une pureté rare s'est maintenu pendant des millions d'années jusqu'à... l'invention du tourisme de masse. Dans la lagune il n'y a pas d'eau de mer, mais pas de l'eau tout à fait douce non plus. Ils appellent cela agua fresca, mais quand on cherche sur Google, la seule réponse sur cette expression concerne ces horribles jus de fruits coupés d'eau et de sucre. Cette agua fresca (si c'est bien son nom) n'est pas saline, mais pas potable non plus d'après notre skipper (j'ai pourtant lu des témoignages de personnes âgées vivant ici depuis des déconnies et qui en avaient bu des litres ?). Le fait est que toute pure qu'elle soit, sa couleur incroyable est en partie due au fond du lac, qui est fait de calcaire blanc comme la craie. C'est ce calcaire, qui réfléchit la lumière comme un miroir, qui la rendrait non potable et peu propice à la vie. De fait, autour de Bacalar, la lagune abrite très, très peu de poissons et pratiquement pas d'algues. Hormis quelques nénuphars près du rivage, la seule présence de vie (et quelle présence !) c'est les stromatolithes : sorte de larges choux-fleurs à mi-chemin entre la pierre et le pudding. Les stromatolithes (stromatolites sans le h en anglais, du grec ancien qui signifie tapis de pierre), sont des organismes fossiles abritant les colonies de cyanobactéries (ces bactéries vieilles comme le monde à l'origine de la photosynthèse, rien que ça). Grâce à la lumière du soleil, les cyanobactéries puisent du dioxyde de carbone dans l'eau et rejettent du dioxygène. Cela provoque une réaction chimique qui transforme le calcium de l'eau en calcaire. Une fine couche de ce calcaire se dépose autour de la colonie de cyanobactéries, puis une autre couche par dessus, etc., jusqu'à finir par former une grosse "pierre" large et bombée, le stromatolithe.

Les stromatolithes, vous l'avez deviné, sont hyper fragiles. Non seulement il ne faut pas nager au milieu et encore moins les toucher, mais sachez que même votre crème de jour et votre après-shampoing seront pour eux comme le pire des cyanures. Je vous recommande donc vivement d'éviter tout type de crème, y compris les crèmes solaires écolo, et de privilégier les casquettes et maillots antiUV, comme le font les marins sur le lac. Il va sans dire qu'il ne faut jamais, jamais, JAMAIS dépasser les limites indiquées par des cordes et encore moins monter sur les stromatolithes. J'ai écrit plus haut que c'était le tourisme de masse qui avait abimé la lagune, ça n'est que partiellement vrai : des eaux usées de toute la région se sont déversées dans le lac, et les dégâts semblent irréversibles. A voir ce que le gouvernement va mettre en place pour stopper ce déclin (après tout, qui voudra venir se baigner dans un lac marronnasse à l'odeur nauséabonde ? C'est dans l'intérêt de tous de préserver cet écosystème).

Que faire à Bacalar ?

On était surtout là pour la lagune, alors on y a fait 2 sorties : une en voilier, une en kayak.

1/Sortie voilier avec Wild Wave Bacalar Adventures, dont la base est l'hôtel Casa Arabe. Notre skipper, Leandro, un Argentin, a naturellement sympathisé avec Marco (qui est... argentin d'origine). Lara, le mousse, était un amour. Bref, on vous recommande chaudement cette équipe, super réglo sur la question environnementale. Au cours de la sortie, qui dure 3 heures, on vous servira une collation de fruits frais délicieux (env. 38€/adulte 27€/enfant).

https://wildbacalaradventures.com.mx/

 2/Sortie kayak avec le club familial balnéaire Balneario Ejidal Mágico Bacalar, un lieu à l'ambiance délicieusement désuette qui vous louera des kayaks (et notamment à 3 places, c'est le seul loueur qui nous en a proposés !) à l'heure. L'idéal est d'arriver tôt le matin, à l'ouverture : il n'y a personne et la lagune elle-même est encore pratiquement déserte.

 3/Si vous vous baladez dans la ville, vous y verrez ce genre de choses...

4/Si vous poussez jusqu'à Chetumal, vous pourrez visiter le musée de la culture maya, qu'on a vraiment apprécié pour sa présentation fun et didactique (mention spéciale à l'application pour apprendre à compter comme les Mayas).

Museo de la Cultura Maya

Où dormir à Bacalar ?

Hôtel condo Mayanah

https://www.mayanah.mx/en/

(mais demandez bien une chambre à l'étage !)

Où manger à Bacalar ?

Mango y Chile pour une option végane avec jolie vue

Ceci est un hot-dog végan... plutôt pas mal !

 La Playita, sans doute notre restaurant préféré au Mexique (c'est simple, on y est allé tous les soirs de notre séjour à Bacalar). Merveilleusement placé au bord de la lagune sous un banyan tree gigantesque, sa carte est vaste, fraîche et savoureuse, et ses prix, encore à peu près raisonnables. Tout y est incroyable, depuis le guacamole jusqu'aux cocktails en passant par le "meilleur burger du monde" dixit Iris. On s'y sentait tellement bien qu'on a passé tout le reste du voyage à réécouter leur playlist pour se remettre dans l'ambiance tellement cool... imaginez un peu : les enfants se balancent dans les fauteuils suspendus, les beautiful people sirotent des boissons colorées, les couples vont faire trempette dans la lagune qui reflète le soleil couchant, on a même eu un feu d'artifice... bref, le paradis. J'irai jusqu'à dire que je retournerais à Bacalar autant pour La Playita que pour la lagune - ça peut paraître exagéré, mais c'est difficile d'expliquer pourquoi on peut avoir un tel coup de foudre pour un endroit (peut être parce qu'on l'a vécu comme un refuge le premier soir, où on avait vraiment pas la frite avec notre chambre sinistre et la ville pas super emballante ?).

https://www.laplayitabacalar.com/

 Oui, le restaurant est bien situé sous cet arbre banyan gigantesque !

Des pâtes aux crevettes dont je me souviens avec émotion...

En conclusion ! Bacalar (la ville) est un endroit extraordinaire mais il n'y a pas vraiment d'accès direct à la lagune, pour y aller on prend soit un bateau, soit un kayak . Dans la lagune, le snorkelling ne présente aucun intérêt : il n'y a rien à voir (du moins dans la partie du lac proche de la ville de Bacalar) ! D'autre part, ce lac est un écosystème fragile bien malmené, difficile d'y promouvoir le tourisme classique. Ça n'est clairement pas (encore) Tulum, les prix, bien qu'élevés pour le Mexique, restent raisonnables, il y a peu de resorts ultra fancy, mais on a aimé le Mayanah (à partir du deuxième jour quand on a changé de chambre). On a testé peu de restaurants tellement on a adoré La Playita. 4 nuits et 5 jours c'était cependant un peu long pour nous, il n'y a pas tant de choses que ça à y faire (et on a volontairement zappé Los Rapidos après que Leandro nous a dit que c'était une catastrophe pour l'écosystème) et la petite ville en elle-même ne nous a pas franchement emballés, même si on aime bien les vestiges de la grande époque des pirates. 2 nuits auraient suffi pour expérimenter le bateau et le kayak, si c'était à refaire je consacrerais les 2 autres nuits à la réserve de Sian Ka'an, pas loin. Le musée de Chetumal est sympa mais pas suffisamment riche pour valoir réellement le détour.

Voici quelques liens détaillant les problèmes environnementaux autour de la lagune :

https://www.newyorker.com/science/elements/how-a-mexican-lagoon-lost-its-colors

https://earthjournalism.net/stories/bacalar-microbialites-struggle-to-survive-the-degradation-of-their-habitat

https://www.helloasso.com/associations/r-o-a-d-s/collectes/sauvons-la-lagune-de-bacalar-au-mexique